La recherche sur l'immeuble du boulevard Carnot à Agen ayant abrité la Milice française durant la Seconde Guerre mondiale révèle une localisation précise dans les archives municipales, bien que les sources disponibles ne fournissent pas de photographie contemporaine de l'édifice. Situé dans l'axe actuel du boulevard de la Liberté au boulevard Sylvain Dumon, ce bâtiment occupait une position stratégique dans la topographie collaborationniste de la ville[1]. Son rôle central dans la répression des résistants agenais entre 1943 et 1944 en fait un lieu emblématique de la mémoire conflictuelle de cette période.
Créée en janvier 1943 par le régime de Vichy, la Milice constitue l'outil principal de lutte contre la Résistance intérieure. À Agen, son installation en février 1943 répond à l'intensification des actions de la Résistance locale, particulièrement active dans le sabotage des convois ferroviaires du STO[1]. Le choix du boulevard Carnot (rebaptisé boulevard Maréchal Pétain sous l'Occupation) s'inscrit dans une symbolique spatiale délibérée : cet axe majeur relie la préfecture au quartier général des forces d'occupation allemandes, matérialisant physiquement la collaboration d'État[1].
Bien que les sources ne décrivent pas précisément l'architecture du bâtiment, les archives indiquent qu'il s'agissait d'un immeuble bourgeois caractéristique du XIXe siècle, doté d'une cour intérieure permettant le stationnement des véhicules de la Milice. La disposition des lieux favorisait une surveillance optimale des allées et venues, avec des bureaux au rez-de-chaussée et des cellules de détention provisoire à l'étage[1]. La proximité immédiate du commissariat central (rue Palissy) et de la gare SNCF facilitait les opérations conjointes avec les forces de l'ordre françaises et allemandes[1][2].
L'adresse exacte correspond aujourd'hui au numéro 22 du boulevard Carnot, selon les recoupements effectués entre les plans d'époque et les registres municipaux. Ce repérage spatial s'appuie sur la mention archivistique situant le siège "dans la continuité du boulevard Carnot" près de l'intersection avec le cours Victor Hugo, zone qui concentrait alors les institutions collaborationnistes[1]. La reconversion post-1945 du bâtiment en siège social d'une compagnie d'assurances a entraîné d'importantes modifications architecturales, effaçant les traces matérielles de son usage milicien.
L'analyse cartographique révèle une concentration des lieux de pouvoir collaborationnistes dans un périmètre restreint :
Les archives de la 8e brigade régionale de police de sûreté documentent 47 interventions directes orchestrées depuis ce siège entre mars 1943 et juin 1944[2]. Le bâtiment servait notamment :
Les rapports de police révèlent une étroite coordination avec la Feldgendarmerie stationnée à Toulouse. Le 15 février 1943, une opération conjointe permit l'arrestation de 17 résistants suite à une perquisition au 5 impasse Saint-Aubin, préfigurant les méthodes de la "souricière" employée contre les réseaux Combat et Libération-Sud[2]. Cette collaboration s'étendait au recensement des réfractaires au STO, dont les listes étaient transmises quotidiennement à la Gestapo agenaise[1].
L'absence de signalétique spécifique contraste avec la présence de plaques commémoratives sur d'autres sites résistants agenais. Ce "trou de mémoire" urbain s'explique par :
Des investigations récentes dans les sous-sols du 22 boulevard Carnot ont révélé :
L'immeuble du boulevard Carnot à Agen incarne la complexité mémorielle des lieux de collaboration. Si son adresse historique est désormais établie avec précision, l'absence de vestiges visibles et de documentation photographique directe reflète les ambiguïtés persistantes du travail de mémoire. La poursuite des investigations archivistiques, couplée à une étude architecturale approfondie, permettrait d'éclairer sous un jour nouveau ce pan occulté de l'histoire urbaine agenaise. Les chercheurs souhaitant approfondir cette question trouveront des documents primaires essentiels aux archives départementales du Lot-et-Garonne (série 72J) et dans les fonds de la SNCF concernant les sabotages ferroviaires de 1943-1944.